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Je suis passé à Chambéry le dernier jour (31 mars) de 1'année du Japon en France. Une ville qui m'a d'emblée séduite, à la rencontre de Hideko Goujot. Belle ville ancienne, petites rues, vielles maisons, places de forme italienne (celles de l'Ombrie notamment), longues, courbes, dissymétriques, avec parfois un air "années 60 ". Comme des lieux d'enfance que la modernité n'aurait pas recouvert. On ne sent pas les montagnes autour mais voilà pourtant des paysages qui rappellent le Japon.
Sylvie Rusé-Maillard vit et travaille au fond
de La rue (qui fait angle) des Tanneurs à Chambéry. On passe
une jolie place avec un ancien théâtre de poche qui a conservé
un aspect vivant et non pas institutionnel. Au coin de La dite rue, on
voit une maison avec un balcon en bois.. . pays de neige... de Kawabata
et de Bonneval sur Arc ! Cest un quartier non pas préservé
ou authentique mais vrai. Et l'atelier-maison de notre amie céramiste
s'y plait sans aucun doute. Sous le soleil. Ia porte de l'atelier est
ouverte. A droite et devant moi des étagères de céramique,
bleues. blanches. ocres. A gauche une longue table circulaire couleur
de laminaire et des pots aux formes généreuses, larges.
profondes et fraiches. La céramique est vecue omme un art à
part entière. La céramique est un engagement de soi.
Un exercice du corps et de Ia pensée. La céramique de Sylvie
Rusé-Maillard est poêtique. Son décor - historié,
en danse de formes, en traces et matière brute - se caresse du
regard, et puis on peut toucher, frotter délicatement le grain
de ses paumes. A la surface: des volutes de brins d'herbe, des gerbes
monochromes nonchalantes, de doux crissements de pointe à graver
ou de poils de loutre pour former un chemin d'immortalité, des
papiers déchirés qui racontent une histoire sans commentaire
mais dans une encreture limpide, pure. détachée de
la raison. Ou serait-ce les crêtes des montagnes dans un paysage
de brumes
Ce qui est tellement émouvant. fascinant c'est plus encore l'ouverture,
le vide, Ia beauté parfaite du col. Une bouche silencieuse. J'essaie
d'aller vers un travail de plus en plus personnel, reflet de ma vie, de
mes efforts, de mes acquis. Je veux bien le croire, car Sylvie Rusé-Maillard
a un sens très juste de l'esthétique de l'Extrême-Orient
! Simplicité, retenue, vision de I'oeuvre totale, discontinuité
des espaces, vie propre des objets, morceaux de mots, ruptures, cassures
de notre existence. Art élevant, zen.
François Gonse